P I X A R 's R O O M
 

On le sait, ce qui motive les talents de chez PIXAR, ce ne sont pas les technologies impressionantes qu'ils emploient dans leurs films, ni les chiffres du box-office, mais bel et bien les belles histoires. Entres des histoires de jouets se disputant la place dans le coeur de leur jeune propriétaire ou encore d'un papa poisson trop protecteur à la recherche de son fils sans oublier celle d'une fourmi maladroite qui va devoir sauver sa fourmillière d'une tyrannique dictature; les films de Pixar ont su nous amener dans des aventures menées par des personnages charismatiques et terriblement humain malgrè les multiples formes qu'ils ont pu prendre (jouets, poissons, voitures..). Dans ce dossier, Andrew Stanton révèle quelques points clés qui motivent la création des histoires chez PIXAR.
C'était le 21 octobre dernier, durant le salon Screenwriting Expo5 à Los Angeles, une grande conférence sur l'art de raconter des histoires au cinéma a été organisée, menée par des grands noms des studios Pixar. C'est ainsi que Andrew Stanton (réalisateur du Monde de Nemo), Brad Bird ( Les Indestructibles, Ratatouille) ou encore Lee Unkrich (co-réalisateur de Toy Story 2) ont livré à un public de professionels leurs secrets de conteurs et de créateurs.
Pixar's Room vous fait partager cet évènement en dévoilant les secrets d'un des magiciens de Pixar, Andrew Stanton.


Stanton raconta lors de cette conférence les différentes choses qu'il a appris lors de sa carrière chez Pixar, il commenca par énumérer différents points qui selon lui sont les raisons de la richesse des histoires que Pixar a raconté jusqu'à présent à travers leurs films.

  • Pas de politiques: Si une idée est bonne, elle doit être retenue pour être discutée, peu importe si elle vient d'un employé du studio qui n'est pas à proprement parlé "scénariste" ou "réalisateur", en somme toute idée est bonne à prendre.
  • Pas de cadres: Toute personne qui n'a aucune expérience dans le cinéma, on désigne ici les cadres dont le but principal et le profit, ne doit en aucun cas interférer dans le processus de création d'un film. Chez Pixar, on ne crée pas un personnage au design destiné à se vendre dans les Happy Meals ou dans les magasins de jouets.
  • Un studio dirigé par les réalisateurs: Ce sont les réalisateurs qui dirigent les studios et non les cadres ou autres financiers, ce sont eux qui ont la responsabilité des films en création, films qui sont entièrement sous leurs tutelles et qui reflètent leur vision personnelle de l'oeuvre. Un groupe de quelques réalisateurs qu'on appelle "Braintrust" (composé entres autres de John Lasseter, Andrew Stanton, Brad Bird, le regretté Joe Ranft en faisait partie aussi) peut être consulté mais c'est le réalisateur du film qui a le dernier mot. Le meilleur exemple est Brad Bird qui a eu carte blanche pour retranscrire son univers rétro de super héros pour les Indestructibles, pourtant radicalement différent ce que faisait Pixar à l'époque.
  • Des idées originales internes: Si vous voulez soumettre une idée de film à Pixar, pas de chance, ils n'acceptent que les propositions internes. Des idées qui ne viennent pas uniquement du Braintrust ou des scénaristes, tous les employés de la compagnie, de l'animateur au technicien du son, sont encouragés à soumettre leurs idées.



Lors de la création de Toy Story, John Lasseter et lui ainsi que toute l'équipe s'était mis d'accord sur plusieurs points à respecteer, désireux de sortir du moule cliché des films d'animations dans lequel Disney commençait à s'enfermer et dont les autres studios commencait à plagier. Pixar voulait donc se démarquer.
Pas de chansons imposées aux personnages, ni de "chansons d'un village joyeux" (La Belle et la Bête, Aladdin..), ni d'amourettes forcées, ni de méchants caricaturaux, ni de chansons "Je voudrais" (complainte à la Petite Sirène, Belle et la Bête...). Ironie du sort, lorsque Pixar montra une première ébauche du film à Disney, un éminent compositeur du studio a conseillé aux talents de Pixar d'ajouter tous les points énumérés précédemment. Le message de Stanton appelle à oser être original, à fiare les choses à sa propre manière sans se soucier de quelquonque formules qui peut lasser à la longue.

Un des points les plus importants qui font une grande histoire, c'est d'aimer le personnage principal. Au premiers stades de Toy Story, Woody était un personnage égoïste et caustique, un vrai salaud. Stanton s'était dit que comme Woody allait changer pendant le film, ça ne poserait pas de problèmes. Mais il s'avèra que ça ne fonctionnait pas, il comprit que "aimer" voulait dire "compatir", même si Woody était égoïste et imbu de lui-même, le public devait compatir à son sort. Ce qui amèna à l'Unité des Opposés. Les personnages ont besoin d'avoir des objectifs clairs qui les opposera l'un par rapport à l'autre. Le but égoïste de Woody de pouvoir redevenir le chouchou de Woody contraste avec le but naïf de Buzz. On se rend compte alors, à travers la scène qui se passe dans la chambre de Sid alors que Buzz est attaché à la fusée et Woody prisonniers d'un cageot, que le cowboy derrière son masque égocentrique, révèle un manque d'assurance et d'estime de sa personne.

Une autre devise chère au studio: écrire c'est réécrire. L'histoire finale émergera comme une seule réécriture et la première ébauche n'est donc qu'un point de travail. En conséquence, faites vos erreurs le plus vite possible, retravaillez l'ébauche et plongez dans le vrai travail de réécriture et d'amélioration de l'histoire:

Construire une scène: Il vous faut quelque chose à dire, un message à faire passer, quelque chose qui fasse avancer l'histoire ou évoluer le personnage. Ce n'est pas nécessairement un message, cela peut être une vérité que l'on peut débattre dans l'histoire. Un exemple déjà cité est la scène où Woody commence à adresser à Buzz un speech dans la chambre de Sid alors qu'ils sont prisonniers du garçon tortionnaire. Tout au long de la scène, Woody révèle sa vraie nature. Cette révélation est la motivation derrière l'existence de cette scène.


Les images-clés:
Elles doivent incarner l'essence même de l'histoire et de ses personnages. Cette image doit contenir des éléments clés de l'histoire et des thèmes abordés, ce qui aide à maintenir le scénario sur les rails. Comme exemple il a montré en exemples des images de Woody se faisant évincé du lit d'Andy au profit de Buzz, de Sully prenant la main de Boo à travers une porte ou du dernier oeuf survivant à l'attaque du barracuda dans Le Monde de Nemo.



Le point abordé suivant fut de connaître ses personnages. Pour le démontrer il raconta l'aventure Toy Story 2. A l'origine prévu pour le marché vidéo, le film était développé dans 2 batiments différents, et par un équipe de seconde main "B-team" pendant que la "A-team" travaillait sur 1001 pattes. Ils réalisait que l'histoire originale de Toy Story 2 n'était pas des meilleures, mais ils ne pouvaient rien y faire avant la fin de la production de 1001 pattes, date à laquelle il restait 10 mois jusqu'à la sortie de Toy Story 2 sur les écrans de cinéma. Les équipes A et B fusionnèrent et le script du film a été réécrit en à peine 3 mois. Comparativement, le script du premier Toy Story avait nécessité 36 mois d'écriture et celui de 1001 pattes, 38. Comment cela a-t-il pu être possible? La réponse est simple, car les personnages étaient déjà connus, leurs personnalités maîtrisées. Car c'est là que la majorité des réécritures s'attarde, sur la tâche ardue de cerner un personnages, définir son caractère, ses qualités et ses défauts, ses motivations etc... Les trois mois ont été largement occupés par la définition des trois nouveaux personnages du film, Jessie, PilePoil et le Prospecteur.
Il cite aussi un livre, The Spoon River Anthology par Edgar Less Masters, qui est en fait une biographie post-mortem de 244 habitants d'une ville de l'Illinois. Ce livre lui rappelle qu'il existe une infinité de personnages et d'histoires à propos de leurs vies. "Il n'y a personne que vous pouvez détester une fois que vous connaissez son histoire".

Rendez-vous la semaine prochaine pour la seconde partie de notre dossier, Pixar Storytelling: l'art de raconter les histoires.

article rédigé et mis en page par Kinoo. Librement traduit de Animation Guild Blog
Novembre 2006